Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/145

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décors bornent le théâtre exigu, familial, agreste, où ils occupent leur ambition. Ils travaillent et ils se reposent. Ils figurent les jeux de leur âme parmi d’allée goriques parades, des danses sous les grands ormes et d’ingénieuses embûches. Cette modestie les embellit. Au point de vue civique ce sont des héros. Ils prennent garde que, partout, les gloires sont ressemblantes, et ils mettent la leur dans la flamme des fruits, dans la suavité du lait et des laines, les vignes des enclos. A force de lire les annales des prophètes, les évangiles, l’histoire des plus grands rois du monde et des aventuriers notoires, ils en ont connu la tristesse, l’identité et le désastre. Aussi se résignent-ils à l’esclavage. Ils acceptent le destin que leur confère le monde, leur sensibilité est naturelle.

VII. Acceptation

à Albert Fleury

Quelques sages, déjà, pressentirent cela. Spinoza, Rousseau, exemples surprenants ! En proie à de furieux scrupules, ils surent le refuge de l’activité. Ce lunetier hollandais et cet habile copiste ont conquis la joie des patiences usuelles. A ciseler d’éclatants cristaux, autant qu’à transcrire des sonates banales^ l’un et l’autre étincelaient d’extase. Leur résignation accrut leur bonheur. Aux yeux des domestiques, des marchands, du concierge, du boulanger voisin, ils parurent comme de petites gens, qui usent leur ennui et leur peine à travailler dans des boutiques cénobitiques.