Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/169

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comme si de Hamlet, de Macbeth nous adorions les singulières mélancolies par jeu et passe-temps, simplement ! Ah ! ce qui, de ces gens, nous a impressionné, ce n’est point leur langueur, leur gloire, mais précisément cet émoi par quoi, une pure minute, ils nous furent fraternels jusqu’à représenter les rôles de notre espoir, d’un songe, ou du souvenir !

Ce spectacle nous transporta et ils nous émurent, miraculeusement. Une transposition s’accomplit, ils parurent les héros dont l’atroce destinée tentait justement vos désirs, nous y aperçûmes tout à coup l’aspect antérieur de notre être ou le pressentiment de sa future beauté. La prophétie et la mémoire en ordonnent la confrontation. Nous savons cela et n’en parlons pas. Pourquoi étudier dans les tragédies, les créatures, leur caractère ? Qu’ils apparaissent brûlés de fièvre, éblouis, anoblis de pudeurs, le plus banalement magnifiques ! Alors, exténués de vives érnotions, nous succomberons joyeusement. — Hélas ! ô pâle Hamlet, comme vous m’importunez avec vos élégies, votre ardente amertume et tant d’héroïques soliloques ! Est-il besoin de la forêt d’Ermuyr, de tout l’exceptionnel conciliabule des fées d’une affreuse tendresse ingénue, afin que palpitent, tressaillent nos pensées ? Entre Hamlet et moi, je sens et j’entends, je conçois Shakespeare. Il lui insuffle une ascétique ivresse, il le dote de ses frémissements, il lui communique toute sa fièvre. De là son extravagance. Aucune eurythmie dans cette tragédie. Ce magnifique génie anglais je le pense plus barbare que Salomon, Eschyle.

Tant de farouches exploits nous exténuent, si bien