Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/171

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taille le hêtre ou recueille du sel, des coraux. Et cela ne nous inquiète guère. Mais qu’il tue ou adore et nous sommes passionnes parce qu’alors son sort nous ressemble, il représente l’action de nos songes défendus.

Petites créatures des romans, comme vous m’avez passionné ! — Ce fut dans quelque antique maison, au bord d’un lourd fleuve glauque, glacial et suburbain. Mon enfance y habita. La fraîcheur des tonnelles m’enivrait de verveines. Le clair ciel étendu brillait, journées lasses de lectures sans fin, là, j’ai connu Zoé, pudique et indolente, cette Pulcinella amoureuse qu’empoisonnèrent de grosses fleurs jaunes, Irène éblouie de neuve douceur, Clara et Luc. L’extravagance de leur destin m’a ému d’équivoques délices, quand je compris le charme du paysage banal.

Ce n’est point d’un lucide traité, contracté, froid et ascétique que j’appris l’éloquence de mes méditations, mais de ces fugaces aventures, du coq et de la nuit toute pesante d’azur noir. De telles banalités formèrent mes agréments. Sur une pierre ou une pomme j’affûtai ma pensée. Shakespeare par la suite ne m’étonna point. — Ah ! c’est toujours la même histoire, je me souviens des jours d’enfance, l’opaque rivière où stagne une chute de crépuscule, le bon chien qui aboie, l’étroite petite maison dorée que colore l’horizon des roses.

Ainsi le rêve de ma fortune en précéda les véridiques exploits. Pour la plus grande satisfaction de mes ambitieux desseins, il me plut de lire des romans, comme