Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/173

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Par la suite, je vis des batailles, des fêtes plus ténébreuses et effrayantes. D’énormes cités retentissaient, je vécus aux lieux des houillères où flamboient de fumeuses usines. De hautes cloches sonnaient comme des trompes de cuivre. Le peuple a bâti des arcs triomphaux. Couronnés de roses s’arrondissent les porches. Aux froides dunes odoriférantes les bergers gardaient les agneaux. Aboiements de chiens. Des torches de pin brûlent. Les femmes ont cueilli des algues et des fleurs. Sur les quais débordent de pompeux bouquets. Cejour-là, les guerriers partirent. Des barques brunes fatiguaient la mer. Pour le contentement de mes vœux l’armée écarlate s’embarqua. Puis s’érailla le rauque cri des coqs vifs. Des marins ont levé de fortes voiles cramoisies. Une rude brise bondit, résonna. Gonflées d’écumes s’effritent les vagues. — C’était hier. — L’aube clignotait. — Sera-ce demain ?

Ainsi, afin de satisfaire mes plus vaines et fades intentions, j’imaginai deî luttes, des châteaux, des nations. Un site chimérique figura le lieu où se parodia mon destin. Quelles expéditions et quelles larmes, les bois, le sable et les rivages ! — De l’ombre, à l’aurore j’ai marché. — Il me plut de pétrir de fabuleuses personnes à qui je confiai mes rôles défendus. Ils les jouèrent avec joie et grâce. Je lus des romans ou les composai. D’après les délices ressenties je surpris le sens de mes sentiments. Tant d’extravagantes descriptions m’ont instruit sur Dieu et moi-même, mieux et plus que des pédagogues, de durs traités syllogistiques, les manuels de Kant ou de Swedenborg.

Pourquoi ne sujs-je resté, chez moi, paisible, à l’abri,