Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rien supporter des spectacles qui font les délices de la plupart de mes amis. D’ailleurs, de mes rancœurs, je ne leur parle jamais. Cependant le bel air de fête de ceux avec qui j’entretiens d’étroites relations de pensée, leur fraîche, magnifique allégresse, que je présumais importune, leurs souriantes amours me troublaient jusqu’à froisser frénétiquement ma sensibilité intime.

Alors, je connus cette blanche petite fille, et tout de suite, sa douceur me charma. Je l’entrevis deux ou trois fois, au mail, dans la rue, parmi des jardins, et je ne laissai pas d’en être bientôt épris. Un jour, que je la rencontrai, mes paroles se firent tumultueuses, je pressai ses mains avec fièvre et je la baignai de baisers, si bien qu’elle vint à succomber sans montrer la plus vaine pudeur. — Chère amoureuse, tremblante enfant, de quelles nostalgies m’as-tu délivré !

je ne l’ai point conduite dans les jardins publics où j’ai coutume de fréquenter. Nous formâmes l’entreprise d’être heureux en silence. Cependant, j’avais résolu de passer dans le recueillement, la froide saison d’hiver qui s’annonçait déjà. Je lui proposai ce dessein. Elle s’y arrêta et ce fut ainsi.

Hélas ! pourquoi donc étais-je, vers ce temps, tout accablé d’émoi, de doutes tragiques ? En vérité, je m’en souviens à peine. De jeunes églantines rougissantes ont refleuri la haie antique, j’ai connu la plus pure amante, mon âme s’est embellie encore ; j’ai bu, j’ai mangé et j’ai lu ; j’ai écrit des méditations dont le mérite ne semble point méprisable ; à la crête du coteau là-bas, j’ai vu, une multitude de fois, frémir