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Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/254

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Sa puissance même nécessite ce chaos. Aucune harmonie dans ses conceptions. Ses personnages sont ampoulés. Leur grandeur est fantasque, et leur joie extravague. Il exagère leur énergie. Il en permet la présomption. Il ne s’oppose point à des épisodes auxquelles ils pourraient être soustraits sans qu’ils perdissent de leur beauté. Jamais tant de dieux ne se sont levés, tant de feuillages n’ont retenti, tant de flammes, d’ouragans et de gais crépuscules n’ont reçu de telles injonctions ; jamais la terre et les étoiles n’ont été jetées hors de leur orbite pour un si puéril pathétique et afin de déterminer des destinées si évidemment minuscules.

Avec d’exceptionnels défauts, un génie dénué d’équilibre, ce grand homme a conquis le siècle. Démesuré et magnifique, il nous a légué de sonores richesses. La Légende des Siècles, Les Contemplations, La Chanson des Rues et des Bois, Les Burgraves, L’Homme qui rit, les surprenants poèmes !

Le pouls même du chaos y bat tumultueusement. Là, se lèvent des vents, des tempêtes. L’impétueuse cadence des étoiles précipite le mouvement des hymnes, en scande la véhémence, l’effroi. Etonnante variété de rythmes ! L’ouragan des sons roule des cataractes. Quelle ingénuité angélique, quelle grâce, quelle beauté en sa force ! L’âpre escarpement des îles sur la mer, les barques, le flux et le reflux, les plages où flamboie la blancheur des sables, cet homme a tout vu et tout ressenti ! Suprême expression des peuplades, il en synthétise les théogonies. Il sait les phédons, les vedas, la bible. Avant que disparaissent nos civilisations, il a su en bâtir la miraculeuse fresque. Rien du passé ne lui