Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/26

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existerons avec véhémence ! — Mais, voilà, Clarisse craint l’ennui.

La peine de Clarisse dura peu, car nous nous aimâmes violemment et je n’épargnai rien afin de lui complaire.

Pour la parfaite commodité de mes études méthodiques j’avais préparé deux ou trois ouvrages sur lesquels je me proposais de méditer. « Avec d’antique s bouquins velus, tout consumés d’humidité, avec un blanc trésor de fleurs dont le sombre éclat scintille dans les urnes, avec ma chère Clarisse enfin, pensaije alors, je passerai joyeusement cette douloureuse saison. Homère, Descartes, Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre, c’est en compagnie de ces héros suaves que je compte oublier la détresse de mon âme. Ayant parcouru de lointaines provinces, je ressens l’étrange lassitude de l’anxiété. Hamlet m’exténue et je hais Shakespeare, son emphase glacée et tragique, les sites de sa malédiction. »

Cependant Clarisse s’ennuvait. Réduite à s’occuper du pain et des draps frais, des feuillages et des jarres brillantes d’écume laiteuse, elle regrettait d’anciennes promenades, les riches baisers du clair de lune, et cette stagnation ne lui plaisait point. De peur qu’elle n’en souffrît trop, je lui racontais des histoires. Comme mes poétiques descriptions étaient extrêmement magnifiques, elle désira vivement en connaître les modèles et quoiqu’il n’en existât guère nous y crûmes bientôt l’un et l’autre. Ainsi nous avons vu l’Arcadie et Sycione,