Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/279

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Louis XVI qui semble un gros bonhomme, mais de qui l’apparente lourdeur cachait une surprenante subtilité. On lui tait un grief de son acceptation, tandis qu’il convient de l’en admirer. Je ne sais plus quel historien s’est fait l’éditeur d’un petit carnet sur quoi ce roi si perspicace, durant que grondait l’émeute populaire, notait au jour le jour, son mémoire spirituel, le détail de ses sentiments. Rien n’égale ces confidences. Le goût n’en est point singulier, et son langage demeure banal. Il y rappelle ses bons repas, les viandes, les vins et le pain, il relate de petits achats, une multitude de minuties, des dentelles, des roses, des guirlandes, le tout, paré, de ci, de là, par quelques menues réflexions. De cette tragique fuite à Varennes, des particulières conjonctures qui lui en interdirent le bénéfice, au point qu’elles décidèrent sa ruine, son emprisonnement et sa mort, croyez-vous que son attention, strictement, n’a su retenir qu’une odeur d’huile dans une cuisine et la grossièreté de son compagnon ? Cette sage indolence dépasse certainement tout ce que nous vantent d’antiques philosophes sur le renoncement des héros. Pourvu qu’on lui servit, à celui-ci, de crépitantes fritures, des cailles et des œufs frais, il se déclare content du monde. C’est qu’il avait conçu son infortune. Il se présageait douloureux. Assuré des fatalités qui pèseraient sur soi et sa race, de la véhémence des hommes de son temps, de leur logique férocité, de la nécessité où serait la nation de lui conquérir ses richesses, et de précipiter la date de sa mort même, ce grand homme résolut d’obéir au destin. Il ne se révolta jamais. Et qu’eùt-il pu faire contre un peuple ? Au lieu de s’enfiévrer