Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/30

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conquérir. Reclus dans cetlc petite maison, je ne tenterai plus de m’en échapper. Le moindre événement nous paraîtra grave, et nous discernerons l’importance d’une multitude de conjonctures qui nous furent toujours sans attraits. Ainsi mon amie s’occupe de l’évier, des candides cruches que la pluie use, et du puits où elle casse la glace. S’il nous vient des nouvelles du monde, par les amis qui nous visitent ou les gazettes que je reçois -r- comme elles nous paraissent riches et admirables ! nous en sommes distraits tout le jour. La moisissure qui brûle le mur nous occupe autant que l’idée de Dieu. On chante, on travaille, Clarisse range le pain. La huche accueille d’opaques pommes vertes. Je lis, je médite,7’embrasse mon amante. Tandis qu’une pluie épaisse crépite, nous goûtons le sublime délice de nous sentir très à l’abri. Nous nous serrons l’un contre l’autre, et Clarisse rit selon mon songe

La petite maison où j’habite se trouve située dans les faubourgs. Sur les murs frémissants d’éclat poudroie une perpétuelle lumière. Le ciel est bleuâtre et plein d’aromates. Des tuiles luisantes colorent le toit sur lequel pourrissent les feuilles sèches des mousses. L’air filtre et tinte aux persiennes closes. Le matin, quand se lève l’aurore, des vols de colombes tournoient dans ma chambre, mais, aux minutes du crépuscule, si j’ouvre un peu l’étroite fenêtre, une noiretrombe de ténèbre s’engouffre.

En face, scintille l’été d’un hêtre antique. — Des oiseaux gémissent dans les branches. — Plus loin, des boutiques, crispant des enseignes, toute une fuite d’immobiles maisons !