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Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/42

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me savent gré des confidences que je leur fais, cette gratitude les accrédite et ils contribuent à ma renommée.

Lorsqu’ils furent partis je songeai : « Ah ! ceux-ci pensent me distinguer, surprendre le secret de mon cœur ! Leur présomption les en persuade. D’être ingénieux, lucides, les voilà infatués ! Leur sensibilité est amoureuse et ils ont connu que je m’y confiai. Aucun ne m’a compris, bien que tous l’aient cru tour à tour. Des sentiments que je leur montre, ils imaginèrent saisir l’attribut. Mais pourquoi les en détromper ? »

Mes suaves, tragiques et tumultueux manuels de l’âme, le plus subtil d’entre eux les méconnaît. Les délices qu’ils en tirent me paraissent ampoulées. Ils ne tentent point d’en découvrir le sens, mais ils y conquièrent des maximes dont ils se targuent le plus ingénument du monde. Ce perfide subterfuge les satisfait. Syl vère y cherche l’excuse de ses violentes amours : Callimaque en chérit les rumeurs de victoire ; Alban la joie.

Tour à tour, et à leur insu, ils en détournent, de ci de là, quelque axiome ou une riche notion par lesquels se confirment les leurs, fort strictement. Car nous sommes avides de repos. Si magnifiques que nous croit notre orgueil, il semble que nous ayons besoin d’approbation. Nous ne sommes point certains de nos vertus. Leur excès nous frappe sans nous infatuer. Mais dès qu’un héros les partage, celles-ci nous impressionnent, nous sont sublimes. Leur intacte ardeur nous transporte et nous voilà transfigurés.

Pour ces motifs, j’ai acquis des amis. S’ils prirent garde à moi, c’est par réfraction. Ils me fréquentent,