Aller au contenu

Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rose aurore tourner pârmî une ronde d’enfants. Les blés luirent et le flot trembla aux berges grondeuses.

— O beauté, ô jeunesse comme je me sentis vivre !

— Cette fièvre où jè m’épuisais, la pudeur de l’azur, une lueur la dissipèrent. Je m’abandonnai à l’étreinte du vent. Mes tumultueux désirs, ces luxures, ces candeurs cruelles, une atroce douceur dans mes sentiments, la folie ardente d’aventures sans but, ces lieux de forêt et de foudre où passaient des héros prévus, tout le vague tumulte intérieur : un sourire des prairies a pacifié cela. Dès lors j’ai compris l’harmonie. Mon âme tragique, touffue, contractée et farouche, le site enfin l’équilibra. Oui, j’ai plus appris du pire paysan que de Hegel ou de Rousseau. Il faudrait dire cela très simplement. De cette encyclopédie et des fictions suaves que j’ai lues je ne pense pas avoir rien conservé. Ils me furent des confidents. La parodie de mon destin que je pressentis dans telle aventure m’avertit seulement de sa grâce future, de sa magnificence ou de son désespoir. Il en résulta d’extrêmes impressions. A substituer mon être à des personnages faux, je ressentis toutes les passions, et il n’est pas de circonstances par lesquelles je ne sois passé. Ainsi ces livres qui m’emplirent de passions ont contribué précisément à m’en démontrer la monotonie.

Cependant ces ruraux de banlieue, à cause de leur sort uniforme, m’ont enseigné l’éternité. Peu à peu, j’oubliai les exploits, les rumeurs. La vie au jour le jour, quotidienne, dans les champs, sur le fleuve, au hameau, une telle placidité m’émut. Je me souviens d’un passeur d’eau, en face de la maison natale, celui-là