Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/56

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m’a appris beaucoup. On ne parle pas assez des émotions d’enfance. Souvent de magnifiques destins s’y /^vêleraient. Pour moi, je vénère le hc’ros frugal à jjyi je dois mes purs désirs, le sens total de la beauté et de la mort.

Ah ! ce batelier, je le vois, vraiment, là, auprès de >a barque, parmi la berge, les joncs ! — Au bord du fleuve où il habite, je ne suis jamais allé. Solide, le patriarche se dresse. Pesamment reluit le flot lourd, qui coule, roule, compact entre une digue sonore, d’opaques, de noirs rivages peuplés d’ormeaux ! — La maison chuchote, accroupie. — On ne veut pas que j’aille dans l’île. — Le batelier passe les gens. — Riche de glauques pacages la prairie enivre. On sent l’âcre odeur des genêts. L’escarpement des berges bouillonne, sombre et énorme. Sur les coteaux, là-bas, s’étagent des bourgs. Des bestiaux que mène un bouvier , parfois se penchent pour boire. Une fraîcheur filtre, herbue, l’eau sonne. La montagne contient des carrières de craie. On m’a dit cela, un jour. — De l’aube au soir, et pendant les froides nuits, le riverain traverse, monotone. — Où vont ces pécheurs, ces passants ? — Je ne sais pas. — Qui les connaît ? On appelle, on crie d’un rivage à l’autre. Alors l’homme répond et s’embarque. — Noire, peinte de goudron et de sang, la chaloupe fracasse les écumes. Le flot tumultueux charrie du soleil. Un frais brin de paille flotte jaunâtre.

Attentif à l’eau glauque, compacte, à une fleur que, la brise y pose, à un poisson, à chacun des joncs riverains, le passeur attend de l’aube à la nuit. Esclave de