Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/99

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le sentiment qu’il demeure mortel et la prévision des périls qu’il coure. Nul doute que l’on ne délaissât une infinité d’êtres plutôt vulgaires si nous les connaissions impérissables. Mais quand nous les envisageons d’après cette conception triste et attendrissante, leur laideur elle-même nous paraît précieuse. La méditation de la mort compose le sujet des plus noires passions. Certes, ni les cyprès, ni les roses, ni tant de communes créatures ne vaudraient — dites-vous — qu’on s’y intéresse en dehors du tragique instant où ils apparaissent tout à coup selon la contenance de la mortDans le moment qu’ils dépérissent, nous éprouvons leur épouvante, et ils nous semblent dotés de frémissantes vertus. Nous nous y attachons avec des larmes, des plaintes, la mer roule les sanglots du monde, le soleil tressaille comme un cœur, le ciel chante et nous soupirons parmi l’anxiété et l’horreur.

Cet effroi sans cesse nous poursuit. Le pressentiment du péril qu’ils courent doue d’un contagieux pathétique les plus petites poses de notre être et les inconstances de notre existence. Des brutaux deviennent vénérables, parce qu’ils s’échappent, vont pourrir dans la tombe. Ôn dirait qu’une pitié nous prend. Une multitude d’objets contribuent à cette fête funèbre et ils nous en rappellent la date. Les asphodèles, les noirs cyprès, l’onde mobile qui tombe contre une stagnante berge, l’aride ténèbre, une puissante rose de laquelle le vent a éteint la flamme, voilà les augures que nous rêverons à cause de la tristesse qu’ils interprètent.

C’est encore pour ce sentiment que nous chérissons les grands hommes. Ces héros sur qui jedésire que vous