Page:Bouilhet - Œuvres, 1880.djvu/136

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De longs cercles moirés, qui grandissent encor,
En flocons écumeux, se brisent sur le bord,
Et, craquant de terreur, les volutes surprises
Dans la conque d’émail rentrent leurs cornes grises…

Une forme lointaine apparaît sur les flots :
Elle nage, elle ondule, au détour des îlots ;
Sur ses flancs, revêtus de plaques diaprées,
Glissent des reflets bleus et des teintes pourprées ;
C’est un monstre inconnu, qui recourbe, en rampant,
Sur le dos d’un lézard la tête d’un serpent !
Tantôt silencieux, dans la fraîcheur des ondes
Il plonge son cou mince, armé d’écailles blondes,
Et, le long de sa gorge ouverte avec effort,
Les poissons sous la peau se débattent encor !
Tantôt, s’entortillant aux branches du rivage,
Avec sa tête plate il sonde le feuillage,
Puis, le corps dans les flots, poursuit, en s’allongeant,
Sur les palmiers en fleurs les limaces d’argent,
Ou, de leur nid de sable écartant les tortues,
Fait craquer les œufs ronds entre ses dents pointues !
Ah ! la joyeuse bête, au gros ventre vermeil,
Qui se roule dans l’onde et qui baille au soleil !

Mais, du côté des monts, une rumeur s’élève,
Comme le bruit heurté des vagues sur la grève…
Là-bas, à l’horizon, flotte un nuage obscur,
Qui vient en tournoyant et tache le ciel pur !