Page:Bouilhet - Œuvres, 1880.djvu/137

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Le bruit toujours grandit, l’ombre toujours s’étale,
Puis le noir tourbillon crève sur les coteaux,
Essaim tumultueux d’étranges animaux,
Dont le ventre hideux, sillonné de plis fauves,
Se balance dans l’air entre des ailes chauves.
Leur tête, à forme double, effilant son museau,
Commence en crocodile, et finit en oiseau.
Ils ont le corps gonflé, les pattes étendues,
Et, de leurs ongles tors, égratignant les nues,
Grands, petits, au hasard, pêle-mêle envolés,
Courbant les bois touffus, rasant les flots salés,
S’abattent lourdement parmi les algues noires !…
Toute la légion couvre les promontoires !
Cela grouille et bruit, sous les rameaux pendants,
Et, dans chaque buisson, luisent des yeux ardents !

Cependant sur les eaux, la bête au dos d’écaille,
S’arrête soupçonneuse et flaire la bataille ;
Son grand cou, ruisselant de l’écume des mers,
Comme un tronc d’arbre nu se dresse dans les airs,
Et les mille clameurs par la brise apportées,
Font monter à sa peau des teintes irritées.
Son haleine sonore écarte ses naseaux,
Un sifflement aigu de sa gorge s’élance.
Alors, tout se confond, et la lutte commence,
Où, parmi les abois et les glapissements,
Comme des grains de grêle, on entend par moments
Sonner les becs rugueux sur les écailles dures !