Page:Bouilhet - Œuvres, 1880.djvu/138

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Les ailes frappent l’air avec de longs murmures.
Du cercle bruissant le reptile entouré
Promène, autour de lui, son regard effaré ;
Il bondit sur les flots, il recule, il avance,
Il fouette l’eau profonde avec sa queue immense,
Et se roule, et secoue, en ses vastes élans,
Tout le sombre troupeau qui s’attache à ses flancs !
Parfois il semble mort, et, comme une liane,
Laisse flotter son cou sur l’onde diaphane,
Puis relève, soudain, par un jet furieux,
Sa tête de serpent qui siffle dans les cieux !
Rapide, inévitable, il saisit, sous les nues,
Entres ses longues dents leurs ailes étendues,
Prend les corps dans ses plis, ou, glissant par dessous,
Du bout de son museau fouille leurs ventres mous !
L’espace retentit de plaintes enrouées,
Et, piquant le sommet des vagues remuées,
Le sang noir, goutte à goutte, éparpillé dans l’air,
De globules visqueux tache le golfe clair ;
Mais comme au pied des monts, lorsque le vent d’orage
Ecorche le sol dur, et fait, sur son passage,
Onduler à longs flots les vallons sablonneux,
La poussière en roulant s’envole par les cieux,
Et de ses tourbillons couvre au loin les campagnes !…
Tel, du bord des marais et du flancs des montages,
Des buissons, des îlots, des ravins tortueux,
Monte l’essaim plus large et plus tumultueux.
Tous les becs sont tendus, avec leurs dents serrées,
Tous les doigts, allongeant leurs griffes acérées,