Page:Bouilhet - Œuvres, 1880.djvu/149

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Et l’homme, offrant son culte aux molles voluptés,
Se refléta lui-même en ses divinités !
Ce fut le temps heureux des blanches colonnades,
Quand sonnait, sur les monts, l’évohé des ménades,
Et que l’artiste grec, sous son marteaux pieux,
Du marbre étincelant faisait jaillir des dieux !
Toute religion, soumise et désarmée,
Fut dans la grâce humaine à jamais enfermée,
Et le poète, ému par les rythmes divers,
Fit un Olympe entier du trop plein de ses vers !
Mais ces divinités que la raison assiège,
Fondirent sur l’autel comme des blocs de neige,
Ne laissant après soi, parmi les nations,
Que la froideur du dogme et des abstractions.
Bientôt, désabusé des antiques sagesses,
L’homme endormit son âme au roulis des ivresses,
Et, sur des couches d’or, parmi les bateleurs,
Fit trôner son ennui, tout couronné de fleurs !
Formidables festins, où les peuples esclaves
En cadence funèbre agitaient leurs entraves,
Quand la prostituée, une patère aux doigts,
Buvait les pleurs du monde à la table des rois !
Les grands cirques lointains, où beuglaient les chairs vives,
Envoyaient des clameurs jusqu’au lit des convives,
Et, mêlée aux parfums du banquet frémissant,
Parfois comme un vent chaud passait l’odeur du sang !

C’est alors que, penché sur sa débauche sale,
L’homme vomit son âme aux pavés de la salle,