Page:Bouilhet - Œuvres, 1880.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


A toi les bois touffus, les coteaux, les vallées,
Et tout ce qu’on regrette avec de vains efforts,
Lorsque le souvenir des heures écoulées,
A travers les tombeaux, filtre au cœur froid des morts.

Ce n’est pas le vent seul, quand montent les marées,
Qui se lamente ainsi dans les go‘mons verts…
C’est l’éternel sanglot des races éplorées !
C’est la plainte de l’homme englouti sous les mers !

Ecoute ces clameurs de l’océan sans bornes
Qui raconte à la nuit ses épouvantements ;
Tu frémiras un jour, quand, sur les grèves mornes,
La vague apportera nos pâles ossements.

Ces débris ont vécu dans la lumière blonde.
Avant toi, sur la terre, ils ont marqué leurs pas.
Contemple avec effroi ce qui reste d’un monde,
Et d’un pied dédaigneux ne les repousse pas !

C’était le peuple ardent, la race échevelée
Qui lançait son désir à l’assaut de tes droits.
Pour atteindre d’avance à ta sphère étoilée,
Nos cœurs impatients brisaient nos corps étroits.

Nous les voulions aussi, tes destins magnifiques !
Pour loger ton bonheur, ô frère glorieux,
Le penseur a bâti des cités pacifiques,
Le poète a rêvé des îlots merveilleux.