J’aime dans mes cheveux des gouttes de rosée
Et tout autour de moi l’odeur des foins jaunis !
Qui de nous, qui de nous n’a gardé dans son âme,
Chaste et dernier trésor du cœur désenchanté,
Le reflet d’un beau soir et le nom d’une femme,
Un amour à vingt ans par une nuit d’été ?
Ne vous souvient-il pas qu’elle était jeune et belle,
Que son collier sonnait sur son col onduleux,
Que l’écharpe à son dos frissonnait comme une aile,
Et que de longs cils noirs ombrageaient ses yeux bleus ?
Ne vous souvient-il pas qu’en montant les collines,
Sa main sur votre main doucement s’appuyait,
Et que son sein tremblait sous les dentelles fines
Comme un oiseau farouche en son nid inquiet ?
Ne vous souvient-il pas des marguerites blanches,
Oracles odorants effeuillés sous vos doigts,
Et des merles malins qui, blottis sous les branches,
Au bruit de vos baisers s’éveillaient dans les bois ?
Oh ! N’entendez-vous pas, quand tout dort sous la nue,
De sa voix près de vous frémir encor le son ?…
Elle vient, elle vient par la longue avenue,
Et l’écho du rocher répète sa chanson.
Sur le noir de la nuit, sa robe se détache ;
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