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MELÆNIS


» — Je l’aime ! dit Paulus, malheur à qui la touche ! »
Et dans ses doigts crispés il serrait son poignard ;
Melænis, sans trembler, le couvait du regard,
Tandis qu’un rire amer serpentait sur sa bouche.
« Le lit des morts, dit-elle, est moins froid que ma couche.
» Que veut ton fer, Paulus ? Il arrive trop tard !

» Écoute-moi plutôt, je n’ai plus de colère,
» Je suis douce à présent, et suppliante, voi,
» Tu ne le savais pas, car, par pitié pour moi,
» Tu m’aimerais un peu. Qu’ai-je encor sur la terre,
» Si tu me prends l’amour ?… Dans mon cœur solitaire,
» Le souvenir, c’est toi ! l’espérance, c’est toi !…

» Tu l’aimais, elle était belle, tu la regrettes,
» Et je comprends cela ; mais je sais bien comment
» Tu ne peux plus l’aimer ; étrange empressement