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MELÆNIS


» Tu connais maintenant cette longue torture
» Qui fait le jour sans joie et la nuit sans sommeil ;
» Tu sais le sang qui bout, à la lave pareil,
» La bouche qui frémit, la tempe qui murmure ;
» Oh ! tu peux mesurer mon mal à ta blessure,
» Et dire ce qu’on souffre au moment du réveil ! »

Elle avait dans la voix une musique étrange ;
Et Paulus l’écoutait, comme les matelots
La sirène qui chante, assise au bord des flots.
Depuis quelques instants, dans le ciel sans mélange,
Des nuages flottaient ainsi que des îlots,
Et parfois, un éclair glissait comme une frange

À l’horizon plus noir. Ce que sentait Paulus,
Ce n’était pas l’amour ni l’ivresse insensée,
Mais l’engourdissement de toute la pensée,