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AUTOUR DE L’AFGHANISTAN

droite du torrent, nous parvenons à quelques centaines de mètres du poste.

À cet instant, je vois deux cavaliers passer la porte et venir à notre rencontre. Le premier est le commandant militaire, l’autre un interprète kirghize. Le capitaine nous fait le meilleur accueil, mais la conversation est fort difficile, car son cheval, qui n’est pas sorti depuis longtemps, ne peut tenir en place. On met pied à terre ; notre hôte nous fait entrer dans des chambres propres et confortables dont les miroirs montrent à nos yeux ébahis des figures de sauvages, au nez pelé, à la barbe en broussaille, aux joues couleur de brique… Par bonheur, on ne nous demandera pas d’endosser l’habit, ni d’arborer la cravate blanche. Les rudes hommes aux larges épaules qui acceptent de vivre dans cet exil n’ont rien qui rappelle l’officier de parade.

Nous sommes présentés, à l’heure du repas, à l’épouse du capitaine : c’est la treizième femme qui soit venue habiter au Pamir. La douzième y est morte l’année dernière d’une maladie de cœur, mais notre charmante hôtesse ne paraît pas superstitieuse…

La soirée se prolonge gaiement jusque fort avant dans la nuit. On fête notre venue par des récits de chasse, des légendes kirghizes et des chansons cosaques au rythme étrange et doux qu’accompagne en sourdine la plainte grêle d’une balalaïka[1].

18 juillet. — Les réjouissances continuent. On nous

  1. Sorte de mandoline.
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