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DANS LA VALLÉE DU SARIKOL

pas. Toujours nulle trace de chemin ; aucun être vivant ne vient animer cette vallée aux flancs couleur de soufre. Il semble qu’on ne touchera jamais au but de l’étape — le confluent du Beïk et du Sarikol. Rahim-Berdi affirme que nous devons trouver des yourtes. Cependant vers cinq heures, alors que nous désespérions, les tentes coniques se montrent enfin à un coude de la rivière ; elles dressent leurs coupoles de feutre sur une étroite pente gazonnée que domine une gigantesque muraille de granit.

Bientôt nous sommes sur la rive gauche du Sarikol dont les eaux mugissantes ne nous inspirent qu’une médiocre confiance. Les habitants de la yourte nous ont aperçus ; ils nous indiquent le gué avec force gestes. Malgré tout, la rivière est dure à passer : nos chevaux perdent pied et nagent même par instants, et Zabieha, dont la monture bronche, a ses bottes remplies d’eau.

Nous voilà à Beïkni-Aouzi[1] sains et saufs, et dans la yourte un feu clair de sarments, chose nouvelle et inappréciable, a vite fait de nous sécher. Les caravaniers arrivent une heure après nous, éreintés des efforts qu’ils ont eu à faire ; pour les réconforter, je leur achète un mouton tandis qu’Enselme extrait de la caisse aux médicaments un thapsia et le place sur la poitrine du grand Rouzi qui tousse à faire craquer sa peau rude.

Mais le karaoul vient nous rappeler que nous

  1. Littéralement : Bouches du Beïk.
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