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à Tonnerre, était fils d'un avocat au parlement. D'une jolie figure et n'ayant pas de barbe, il put se faire passer pour femme. Chargé par Louis XV d'une mission secrète en Russie auprès de l'impératrice Élisabeth, il se présenta avec le vêtement féminin, réussit à l'aide de son déguisement à voir l'impératrice en secret, gagna sa faveur, et opéra ainsi un utile rapprochement entre la Russie et la France (1756). Ayant repris ensuite les habits de son sexe, il servit avec distinction, comme capitaine de dragons, pendant la guerre de Sept ans. A la paix il fut envoyé à Londres comme secrétaire d'ambassade du duc de Nivernais et prit part au traité de 1763; mais il eut avec le successeur du duc de Nivernais, le comte de Guerchy, des démêlés qui lui firent perdre son emploi. Il revint en France en 1777, mais le roi lui imposa l'obligation de prendre et de conserver jusqu'à sa mort les habits de femme : on prétendit que cette métamorphose était commandée par la nécessité de voiler certaines intrigues dans lesquelles se trouvaient compromis de grands personnages. Il mourut à Londres en 1810. Outre des Mémoires contre le comte de Guerchy, le chev. d'Éon a écrit plusieurs ouvrages d'histoire, de politique et d'économie financière, qui ont été réunis sous le titre de Loisirs du chev. d'Éon (13 vol. in-8, Amst., 1779). La Vie militaire, politique et privée de Mlle d'Éon, publ. en 1779 sous le nom de La Portelle, est du chevalier même. Les Mém. du chev. d'Éon, publ. en 1836 par M. Gailardet, ne sont qu'un roman historique.

ÉONS, êtres intermédiaires émanés de Dieu, selon les Gnostiques, remplissaient la distance qu'ils disaient exister entre le Dieu suprême et le Jéhovah des Juifs (dont ils faisaient une divinité secondaire), entre le Père et le Fils, enfin entre ce dernier et les hommes. Ces êtres, purement spirituels, n'étaient autre chose que des abstractions réalisées : la Sagesse, la Foi, la Prudence, etc. Ils étaient appelés Éons, du grec aion, durée, éternité, parce qu'on leur attribuait une existence éternelle. Leur nombre variait selon les sectes : Basilide en comptait 365, autant que de jours; Valentin n'en admettait que 30.

ÉPACTE (du grec epactos, ajouté, intercalé), nombre qui indique combien il faut ajouter de jours à l'année lunaire pour l'égaler à l'année solaire. V. ce mot au Dict. univ. des Sciences.

ÉPAMINONDAS, célèbre général thébain, né l'an 411 av. J.-C., s'était d'abord appliqué à l'étude des lettres et de la philosophie. S'étant lié avec Pélopidas, il l'aida à chasser de Thèbes les Lacédémoniens qui s'étaient emparés de la ville par trahison. Nommé général dans la guerre qui s'alluma entre sa patrie et les Lacédémoniens, il gagna sur ceux-ci la célèbre bataille de Leuctres (l'an 371 av. J.-C), où périt Cléombrote, roi de Sparte ; envahit la Laconie, releva Messène et fonda Mégalopolis en Arcadie, opposant ainsi une barrière à l'ambition de Sparte ; mais il se vit, au retour, près d'être condamné à mort par ses compatriotes pour avoir excédé de 4 mois la durée de son commandement. Cependant, il fut quelque temps après replacé à la tête des armées thébaines, obtint plusieurs avantages en Thessalie sur Alexandre de Phères, équipa une flotte avec laquelle il battit Lachès, commandant de la flotte athénienne, puis porta de nouveau la guerre dans le Péloponèse, et remporta sur les Lacédémoniens, à Mantinée, une 2e victoire, 363 av. J.-C. Il reçut dans le combat une blessure mortelle ; mais apprenant que l'ennemi était en déroute : « J'ai assez vécu, dit-il, puisque je meurs sans avoir été vaincu. » Comme on regrettait qu'il n'eût pas de postérité : « Je laisse, dit-il, deux filles immortelles, Leuctres et Mantinée. » Épaminondas donna l'exemple de toutes les vertus ; il n'avait pas moins de frugalité et de désintéressement que de génie et de courage. Avec lui s'éclipsa la gloire de Thèbes. Cornélius Népos a écrit sa Vie.

ÉPAPHRODITE, affranchi et secrétaire de Néron, fut condamné à mort par Domitien pour avoir aidé son maitre à s'ôter la vie. Épictète avait été son esclave.

EPAPHUS, fils de Jupiter et d'Io, fut enlevé après sa naissance par la jalouse Junon, et livré aux Curètes; mais Jupiter irrité tua ses gardiens et le délivra. Devenu grand, Epaphus eut querelle avec Phaéton, prétendant que celui-ci n'était pas fils du Soleil, comme il s'en vantait : ce fut là l'origine du malheur de Phaéthon (V. PHAÉTON). Selon quelques mythologues, il devint roi d'Égypte, fonda Memphis et fut adoré comme dieu : le mot Epaphus est en effet le nom grec du dieu égyptien Apis.

ÉPÉE (Ordre de l'), ordre suédois, créé dès 1622 par Gustave I, reconstitué par Frédéric I en 1748, pour récompenser la fidélité au roi et à la religion (luthérienne), a pour signe une croix de St-André formée par des épées croisées ayant au milieu un globe d'azur avec 3 couronnes. Le ruban est jaune moiré. — Un ordre de chevalerie avait été institué sous le même nom en 1449 par Alphonse V, roi de Portugal.

ÉPÉE (l'abbé DE L'), V. L'ÉPÉE.

ÉPÉENS, nom que l'on donne quelquefois aux habitants de l'Élide. V. ÉPÉUS.

ÉPÉRIES, v. libre royale de Hongrie, ch.-l. du comitat de Saros, à 230 kil. N. E. de Bude; 9000 h. Évêché grec-catholique, collège luthérien. Jolie ville; belle cathédrale, hôtel de ville. Eaux minérales. En 1687 y fut établi le tribunal de sang, qui mit à mort nombre de patriotes hongrois.

ÉPERNAY, Sparnacum, ch.-l. d'arr. (Marne), sur la Marne, à 33 kil. N. O. de Châlons, et à 137 kil. E. de Paris par la route, 142 par ch. de fer; 9346 hab. Trib. de 1re inst. et de commerce, collége. Station. Grand commerce de vins-de Champagne. Vastes cave creusées dans le tuf, où se conservent les vins en bouteille. Épernay appartint à l'église de Reims depuis Clovis jusqu'à Hugues-Capet. François I brûla cette ville en 1544 pour l'empêcher de tomber au pouvoir de Charies-Quint, puis il la fit reconstruire. Assignée en douaire à Marie Stuart, elle fut vendue en 1569 pour payer sa rançon. Elle fut prise sur les Ligueurs en 1592 par Henri IV; le maréchal Biron fut tué à ce siège. En 1642 le duc de Bouillon la reçut en échange du comté de Sedan.

ÉPERNON, Sparno, petite v. du dép. d'Eure-et-Loir, à 8 kil. E. de Maintenon et à 28 N. E. de Chartres; 1650 hab. Station du ch. de fer de l'Ouest. Hugues-Capet y fit bâtir un château que les Anglais détruisirent sous Charles, VI. La ville d'Épernon était autrefois une baronnie, qui fut érigée en duché par Henri III en faveur de Jean Louis Nogaret de la Valette (V. ci-après). Le litre de duc d'Épernon, après avoir été porté par les descendants directs de Jean Louis, passa aux fils d'Hélène, sa sœur, et s'éteignit de bonne heure en la personne de Mlle d'Épernon, fille du dernier gouverneur de la Guyenne.

ÉPERNON (J. L. NOGARET DE LA VALETTE, duc d'), un des mignons de Henri III, né en 1654, d'une famille noble des environs de Toulouse, mort en 1642, fut comblé de faveurs pour prix de ses indignes complaisances. Après quelques actions d'éclat, il fut créé duc et pair, gouverneur de Metz, du Boulonnais et de la Normandie (1581-84), et devint amiral de France en 1587. Il fut un des derniers à reconnaître Henri IV ; il obtint cependant de ce prince le gouvernement de la Provence, et fut chargé par lui de missions importantes; mais il n'en conspirait pas moins avec l'Espagne. Il se trouvait dans la carrosse du roi quand ce prince fut assassiné; on l'accusa de complicité, mais l'affaire fut étouffée. Il fit donner la régence à Marie de Médicis et jouit auprès d'elle d'un grand crédit; mais Richelieu le fit disgracier par Louis XIII. On lui donna, pour l'éloigner, le gouvt de la Guyenne : là il eut une violente querelle avec Sourdis, archevêque de Bordeaux, auquel il se vit obligé de faire des excuses. Partout le duc d'Épernon s'était rendu odieux par sa hauteur et sa violence. — L'aîné de ses fils, Ber-