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Loyola (V. ce nom), et approuvé en 1540 par le pape Paul III, se consacre à la propagation de la foi, à la conversion des infidèles et des hérétiques, à l'éducation de la jeunesse, et fait un vœu particulier d'obéissance aux ordres du souverain pontife. Cette compagnie, qui a joué un si grand rôle, est surtout remarquable par sa constitution : son général réside à Rome, et de là il exerce un empire absolu sur les membres répandus dans toute la chrétienté. Il a auprès de lui 5 assistants, formant son conseil, et un admoniteur, chargé de le surveiller lui-même; en outre, il a sous ses ordres dans chaque pays des provinciaux, chargés chacun d'une province. Il y a dans l'ordre 4 degrés : les profès, âgés de 33 ans au moins et ayant prononcé leurs vœux, les coadjuteurs, divisés en spirituels et temporels, les scolastiques ou étudiants et les novices. Tous les membres, avant d'être admis dans la Société, sont soumis à de nombreuses épreuves : chacun est ensuite employé selon sa capacité. — Cet ordre a pris naissance à Paris, où Ignace de Loyola était venu étudier la théologie ; il eut pour premiers apôtres, avec Ignace de Loyola, Lainez, Salmeron, Bobadilla, François-Xavier, Rodriguez, tous Espagnols, et Pierre Favre, de Savoie. Il fut institué sous le titre de Clercs de la Compagnie de Jésus et s'établit d'abord à Rome. Le pape donna aux Jésuites, dans cette ville, une église qui prit d'eux le nom d’il Giesu. La Société se répandit rapidement en Italie, en Espagne, en Portugal; quoique Paris fût son berceau, elle ne fut admise en France qu'après de longs débats ; elle éprouva surtout une vive résistance de la part du Parlement et de l'Université et n'obtint que fort tard la permission d'enseigner (1562). Les Jésuites ont rendu des services incontestables : ils ont obtenu de grands succès dans l'éducation de la jeunesse, dans la prédication ; par leurs courageuses missions ils ont porté la foi jusque dans les contrées les plus éloignées et chez les peuples les plus barbares; ils ont compté dans leurs rangs des hommes éminents dans les genres les plus divers (les PP. Bourdaloue, Bouhours, André, Sirmond, Petau, Labbe, Bolland, Kircher, La Rue, Brumoy, Porée, Jouvency, Parennin, Duhalde, etc.); mais plusieurs de leurs casuistes les compromirent en enseignant une morale relâchée ou des doctrines dangereuses ; en outre, on leur a reproché d'avoir poussé trop loin l'esprit de corps, de s'être trop mêlés des affaires de ce monde, d'avoir recherché avec trop d'ardeur les richesses (ils faisaient le commerce) et surtout l'influence politique. Par suite, ils ont été impliqués dans plusieurs complots ou attentats, quoique rien n'ait pu être prouvé. Ils ont été bannis pour des causes diverses de la plupart des États qui les avaient reçus : d'Angleterre en 1581 et 1601, de France en 1594 et 1762, de Portugal en 1598 et 1759, de Russie en 1717, de Chine en 1753, d'Espagne et de Sicile en 1767; enfin la Société fut supprimée en 1773 par le pape Clément XIV. Avant d'en venir à cette extrémité, on avait tenté de les déterminer à modifier leurs statuts; le général de l'ordre, le P. Ricci, se borna, dit-on, à répondre : Sint ut sunt, aut non sint. Les Jésuites continuèrent néanmoins à exister sous d'autres noms tels que ceux de Frères de la croix, de Cordicoles, de Paccanarisses, etc.; ils trouvèrent un asile en Russie en 1779. Le pape Pie VII les rétablit en secret dès son avènement, en 1800, et solennellement en 1814. Ils reparurent en France à la Restauration, sous le nom de Pères de la Foi, et eurent pendant quelques années des collèges florissants, notamment à Montrouge et à St-Acheul; ces établissements furent fermés en 1828, comme contraires à la loi existante, mais plusieurs ont été rouverts depuis 1848. Dans ces derniers temps, les Jésuites ont encore été expulsés de Russie et d'Espagne, 1817-20, et de Suisse, 1847. Jusqu'à ce jour l'ordre a compté 24 généraux, dont voici les noms : Ignace de Loyola, 1541; J. Lainez, 1558; F. de Borgia, 1568; E. Mercurien, 1573; Cl. Acquaviva, 1581; M. Vittelleschi, 1615; V. Caraffa , 1646; Fr. Piccolomini, 1649; A. Gothofredi, 1652; G. Nickel, 1662; J. P. Oliva, 1664; Ch. de Noyelle, 1682; Th. Gonzalès , 1697; M. A. Tamburini, 1706; Fr. Retz, 1739; Ig. Visconti, 1751; A. Centuriono, 1755; L. Ricci, 1758; F. X. Caren, 1800; G. Grüber, 1802; Th. Broszozowski , 1814; L. Forti, 1820; Roothaan, 1839; Becks, 1853. L’Hist. des J. a été écrite par les PP. Orlandini, Jouvancy, etc., 7 v. in-f., Rome, 1615-1750, par P. Wolf, Zurich, 1789, Crétineau-Joly, Paris, 1844-46, et l'abbé Guettée, 1858.

JÉSUITESSES, ordre de religieuses, fondé en 1534 par deux Anglaises, Warda et Tuittia, à l'imitation de l'ordre que venait de fonder Loyola. Elles faisaient vœu de chasteté, de pauvreté et d'obéissance, mais ne gardaient point la clôture et prêchaient dans les églises. Cet ordre fut aboli en 1631 par Urbain VIII.

JÉSUS, en hébreu Jehosuah, c.-à-d. Sauveur. Ce nom, assez répandu chez les Juifs, a été porté, avant Jésus-Christ, par neuf personnages différents qui figurent dans la Bible. Les deux plus importants sont : Jésus, fils de Josédech, qui fut le premier grand prêtre après le retour de la captivité de Babylone, et qui releva le temple avec Zorobabel (535-516) ; — et Jésus, fils de Sirach, célèbre par sa sagesse, qui florissait sous le pontificat de Simon I (303-284) : il est auteur de l’Ecclésiastique, livre dont il ne nous reste qu'une traduction grecque.

JÉSUS-CHRIST, le fondateur de la religion chrétienne, le Messie prédit par les prophètes, le Sauveur, fils de Dieu et Dieu lui-même, médiateur entre Dieu et les hommes, rédempteur du genre humain. Il fut conçu sans péché dans le sein de Maria, vierge de Nazareth, issue de la race de David, et épouse de Joseph, et naquit à Bethléem, dans une étable, le 25 déc. de l'an du monde 4004 (4963 selon l’Art de vérifier les dates), l'an de Rome 753, la 31e année du règne d'Auguste. Sa naissance fut annoncée à Marie par l'ange Gabriel, et révélée d'une manière miraculeuse à des bergers ainsi qu'à des mages qui vinrent aussitôt l'adorer. Hérode, roi de Judée, craignant, sur la foi d'anciennes prédictions, la venue du Messie, ordonna d'égorger tous les enfants nouveau-nés; mais Joseph et Marie s'enfuirent en Égypte, et l'enfant divin échappa au massacre. Ils ne revinrent à Nazareth qu'après la mort d'Hérode, Jésus passa le temps de sa jeunesse auprès de ses parents, partageant leurs travaux d'artisans. Cependant il avait déjà laissé entrevoir ce qu'il devait être un jour : dès l'âge de 12 ans, il discourut dans le temple avec les docteurs de la loi et les étonna par la sagesse de ses réponses. A 30 ans, il commença sa mission et s'annonça comme le Messie. Il se fit d'abord baptiser par S. Jean-Baptiste dans les eaux du Jourdain; puis, après s'être retiré dans le désert, où il jeûna quarante jours et où il eut à repousser la tentation de Satan, il choisit 12 disciples, connus depuis sous le nom d'apôtres, et parcourut avec eux les villes de la Judée et de la Galilée, prêchant aux hommes la charité, l'amour de Dieu, l'attente d'une autre vie, donnant l'exemple de toutes les vertus et confirmant ses dogmes par une foule de miracles. Il changea l'eau en vin aux noces de Cana, rendit la santé aux malades, la vue aux aveugles, l'ouïe aux sourds ; il ressuscita le fils de la veuve de Naïm, ainsi que Lazare. Les nouveaux dogmes qu'il enseignait et les réformes qu'il prescrivait soulevèrent contre lui les Pharisiens et les prêtres Juifs. Ils l'accusèrent devant le gouverneur romain Ponce Pilate de se dire roi des Juifs et de vouloir renverser le gouvernement établi ; en même temps ils séduisirent un de ses disciples, Judas, afin de se le faire livrer; enfin ils se saisirent de sa personne pendant qu'il se trouvait à Jérusalem, où il s'était rendu pour faire la Pâque et où il venait d'instituer l'Eucharistie, en célébrant la Cène avec ses disciples. Renvoyé par Pilate devant Caïphe, grand prêtre des Juifs, il fut jugé par le sanhédrin, composé du prince des prêtres et des principaux magistrats, et fut condamné comme blasphémateur, pour s'être dit