Page:Bouillet - Chassang - Dictionnaire universel d'histoire-geo - 1878 - P2 - H-P.djvu/682

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
PLAT
PLAT
— 1504 —

combattit Kant, mais il finit par tomber dans une sorte de scepticisme. On lui doit des recherches estimables sur la psychologie. Ses principaux ouvrages sont : Anthropologie, Leipsick, 1771 et 1790; Éléments de logique et de métaphysique, 1795; Aphorismes philosophiques, 1796 (et 1800, avec d’importants changements). Il a aussi écrit sur la médecine, entre autres : Physiologicarum quæstionum libri II, 1793.

PLATON, célèbre philosophe grec, fondateur de l’Académie, né en 429 ou 430 av. J.-C. dans l’île d’Égine, alors soumise aux Athéniens, était fils d’Ariston et tenait aux plus illustres familles d’Athènes : il descendait par son père de Codrus et par sa mère de Solon. Il porta d’abord le nom d’Aristoclès ; on croit que le surnom de Platon lui fut donné par son maître de palestre, à cause de la largeur de ses épaules (platys, large). Platon étudia avec le plus grand succès les lettres et les sciences, surtout la géométrie, et cultiva la poésie dans sa première jeunesse ; mais bientôt il se consacra tout entier à la philosophie. Après avoir entendu les sophistes et avoir facilement reconnu le vide de leur doctrine, il s’attacha vers l’âge de 20 ans à Socrate, dont il fut le disciple assidu pendant dix ans. À la mort de ce philosophe (400), il se retira avec ses condisciples à Mégare, puis se mit à voyager : il visita l’Italie, où il entendit les pythagoriciens Archytas et Timée, alla à Cyrène en Afrique, puis en Égypte, où il se fit, dit-on, initier aux mystères de la doctrine hermétique ; de là il se dirigea vers la Grande-Grèce, et parcourut la Sicile dans le but d’observer les merveilles de cette île (390). Pendant son séjour à Syracuse, Platon s’attacha le vertueux Dion, mais il s’attira par sa franchise la colère du tyran Denys l’Ancien, qui le fit vendre comme esclave. Racheté et rendu à la liberté par Annicéris, philosophe de Cyrène, il alla se fixer à Athènes et y ouvrit, vers 388, dans un faubourg de la ville, l’école si connue sous le nom d’Académie. Cette école fut bientôt fréquentée par tout ce que la Grèce renfermait de plus distingué : on compte au nombre des disciples de Platon Aristote, Speusippe, Xénocrate, Isocrate, et même des femmes, telles que Lasthénie et Axiothée. En 368, Platon fit un 2e voyage en Sicile à la sollicitation de Denys le Jeune, qui venait de monter sur le trône et qui voulait, disait-il, se conduire d’après les conseils de la philosophie ; mais, désespérant de réformer la cour du tyran, il ne tarda pas à s’éloigner. Cependant il retourna une 3e fois à Syracuse (361), dans le but d’opérer une réconciliation entre Denys et Dion, mais il ne put y réussir et se brouilla lui-même avec le premier. De retour à Athènes, il ne s’occupa plus que de son enseignement et de ses écrits. Il acquit une telle réputation de sagesse que plusieurs États lui demandèrent des lois. Il voulut néanmoins rester toute sa vie éloigné des affaires. Il mourut en 348 ou 347 av. J.-C., à 82 ans. Il avait toujours gardé le célibat. Platon a laissé un grand nombre d’écrits ; ils sont presque tous rédigés sous la forme de dialogue et Socrate y joue le principal rôle. Ce sont : Euthryphron ou du Saint, Criton ou le Devoir du citoyen, Phédon ou de l’Âme, l’Apologie de Socrate, Cratyle ou de la Propriété des noms, Théétète ou de la Science, le Sophiste ou de l’Être, le Politique, Parménide ou des Idées, Philèbe ou la Volupté, le Banquet ou de l’Amour, Phèdre ou du Beau, le 1er Alcibiade ou de la Nature de l’homme, le 2e Alcibiade ou de la Prière, Hipparque ou l’Amour du gain, les Érastes ou de la philosophie, Théagès ou de la Sagesse, Charmidès ou de la Modération, Lachès ou du Courage, Lysis ou de l’Amitié, Euthydème ou des Sophismes, Protagoras ou les Sophistes, Gorgias ou la Rhétorique, Ménon ou de la Vertu, le grand Hippias ou du Beau, le petit Hippias ou du Mensonge, Ion ou de l’Enthousiasme poétique, Ménexène, oraison funèbre des Athéniens morts pour la patrie, Clitophon ou l’Exhortation, la République ou du Juste (en 10 liv.), Timée ou de la Nature, Critias ou l’Atlantide (inachevé), Minos ou de la Loi, les Lois (en 12 liv.), Epinomis ou Appendice aux Lois. On y joint 13 lettres morales. L’authenticité de plusieurs de ces écrits, surtout celle des lettres, est contestée. Nous n’avons pas compris dans cette énumération quelques écrits que l’on rejette comme apocryphes : le Démodocus, le Sisyphe, l’Eryxias, l’Axiochus. Platon admettait comme principes des choses, outre Dieu et la matière, certains types ou modèles éternels d’après lesquels ont été formés tous les êtres : il les nommait idées. Dieu est l’un, le bon par excellence et l’ordonnateur du monde. Dans le monde, les idées ont seules une existence réelle et absolue ; les choses individuelles n’en sont que des ombres ou des copies ; les notions générales que forme notre esprit n’en sont elles-mêmes que de pâles reflets. Ce n’est que par leur participation à une même idée ou essence que des individus divers peuvent former une même espèce. Les sens ne saisissent que le particulier, l’individuel ; quant aux idées, elles sont perçues par une faculté supérieure, la raison ou l’entendement ; peut-être même sont-elles des réminiscences d’une vie antérieure. Les idées résident en Dieu, qui est leur substance commune. Cette théorie est également chez Platon la base de la morale, de la politique et de l’art : dans l’art, il faut que l’artiste ait toujours présent l’idéal du beau; en morale, on doit s’efforcer de réaliser l’idéal du bien, qui est Dieu même, et par là de ressembler à Dieu ; la politique n’est que la morale transportée dans l’État : c’est le gouvernement de l’État par la justice et la raison. En psychologie, Platon définit l’âme une force qui se meut par elle-même ; il distingue trois âmes ou trois parties de l’âme : l’âme raisonnable, qui a son siége dans la tête, l’âme concupiscible, qui a son siége dans le foie, l’âme irascible, principe des passions les plus élevées : celle-ci sert de lien aux deux premières et a son siége dans le cœur. L’âme raisonnable survit au corps, avec le souvenir du passé : séparée du corps, elle est heureuse ou malheureuse suivant la destinée qu’elle s’est faite à elle-même; aux âmes qui n’ont pas encore mérité une félicité sans fin, la Providence ménage une nouvelle épreuve de la vie corporelle, sans souvenir de leur existence antérieure. Ainsi Platon admet la métempsycose, mais seulement entre les humains. On reproche à ce philosophe d’avoir émis quelques opinions singulières : ainsi, dans sa République, il établit des castes, veut que les femmes soient communes, que les enfants, uniquement dévoués à l’État, soient élevés en commun, sans connaître leurs parents ; il proscrit, quoique à regret, les beaux-arts, même la poésie et les fables de l’épopée ; dans la cosmogonie, il se livre aux hypothèses les plus hasardées. Il est difficile d’avoir une idée bien exacte de la philosophie de Platon, parce que ce philosophe avait deux enseignements, l’un extérieur et public, l’autre secret, réservé à quelques adeptes ; or les écrits que nous possédons paraissent n’appartenir qu’à sa doctrine publique et par conséquent élémentaire ; le plus souvent il se borne à y exposer le pour et le contre, laissant au lecteur le soin de conclure. Quelque opinion que l’on se fasse de la solidité des doctrines de Platon, on ne peut qu’admirer la sublimité de ses conceptions, la pureté de sa morale et la noblesse de son style. Aussi a-t-il mérité d’être appelé le divin Platon, l’Homère de la philosophie. Ses écrits sont d’ailleurs le plus important monument qui nous reste de la dialectique des anciens : en même temps qu’ils sont des chefs-d’œuvre sous le rapport de l’art et du style, ils nous offrent, par la méthode d’interrogation et de réfutation qui y est partout suivie, un modèle d’analyse philosophique. — Les meilleures éditions de Platon sont celles d’Alde, Venise, 1513, in-fol. ; de J. Serranus (de Serre), avec une traduction latine et des notes, publ. par H. Étienne, Paris, 1578, 3 v. in-f. ; de Marsile Ficin, avec une traduction latine préférable à la précéd., Venise, 1491, Francf., 1662, in-fol. ; de Deux-Ponts, due à Mitscherlich, 1781-88,