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monographie

dire qu’il circule autour des rochers qui avoisinent l’Île et les récifs si nombreux dans ces parages. Quel régal, mes amis ! « c’est distingué, » disent-ils ; oui, mais quelle soif après, et ne soyez pas surpris quand je vous dirai que l’Île possède 24 auberges pour une population de 805 habitants.

Rien d’étonnant dans ce nombre d’établissements hospitaliers. Quel mal y a-t-il pour un marin qui rentre après 12 à 15 heures de mer, de jour ou de nuit. Il a dormi sur les bancs humides, est rentré mouillé après avoir vigoureusement ramé, luttant contre une mer démontée, contre des courants violents. Il n’a eu souvent, pendant ce temps d’un labeur si pénible, qu’un morceau de pain, assaisonné d’une tranche de lard froid, quand ce n’est un morceau de poisson sec ; pour boisson quelques gorgées d’eau pure, quelquefois tiédie par un soleil ardent.

Ne sont-ils pas, du reste, de cette race d’hommes, dont le vénéré et regretté évêque de Quimper, Mgr Graveran a dit :

« Ô peuple breton, si religieux, si moral, le jour où tu passeras sans t’arrêter devant ces tavernes maudites, tu seras le premier des peuples : mais si jamais à l’ivresse de tes dangereux breuvages, tu joignais l’ivresse de l’impiété, malheur : tu serais une nation intraitable ! »
Et c’était un vrai ami du matelot celui-là.