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L’AFFAIRE SHAKESPEARE.

employa ses dernières années, après sa disgrâce, à publier la Nouvelle Atlantide et le Novum Organum… Il faudrait toute une étude pour résumer les arguments des « baconiens ». Mais, sans prétendre réfuter en quelques lignes plusieurs centaines de volumes, il est permis de constater qu’il y a, entre la vie et la psychologie de cet homme de loi et l’œuvre shakespearienne, le même désaccord que nous relevions au sujet de l’acteur Shakespeare. Et comment le chancelier aurait-il trouvé le loisir, écrasé par ailleurs de travail comme il le fut, de composer ces trente-sept ou trente-huit pièces et ces trois volumes de poésies ? Enfin, il a laissé une traduction en vers de plusieurs psaumes… Non, ce n’est point Bacon qui a écrit les poèmes shakespeariens.

C’est Roger Manners, Ve comte de Rutland, dit M. Célestin Demblon, député de Liége et professeur à l’Université nouvelle de Bruxelles, et rien, en effet, ne s’opposerait a priori à ce que lord Rutland put être supposé l’auteur du théâtre de Shakespeare si lord Rutland était né quelques années plus tôt. Malheureusement, il est venu au monde en 1576 seulement, si bien qu’il nous faudrait admettre qu’à dix-sept ou dix-huit ans, vers 1594, il a pu être l’auteur de Peines d’amour perdues, de la Comédie des Erreurs, des Deux gentilshommes de Vérone, des trois tragédies de Henri VI, de Richard III, du Roi Jean, de Titus Andronicus, de Vénus et Adonis et de Lucrèce ; c’est vraiment trop pour un seul jeune homme. D’ailleurs, quand même l’hypothèse de M. Demblon serait possible, elle ne serait pas néces-