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EXPOSÉ.

saire, car le fait sur lequel il la fonde semble plutôt la combattre.

Il a découvert que lord Rutland était intervenu pour faire réussir une demande d’armoiries que fit Shakespeare. Puis il a trouvé dans les comptes de la maison Rutland une mention ainsi conçue, datée du début de 1613 :

« Item du 31 mars à Mr Shakespeare, en or, pour la devise de Monseigneur, 44 shillings ; à Richard Burbage pour peinture et exécution d’icelle, en or, 44 shillings. [Au total : ] 4 livres, 8 shillings. »

Cela signifie qu’un an après la mort de Roger Manners, son frère, devenu le VIe comte de Rutland, demanda à Shakespeare et au célèbre acteur Burbage, qui était peintre amateur, de lui composer une « devise » : une figure symbolique accompagnée d’une légende, destinée à orner son écu pour une joute chevaleresque qu’on donnait à la cour. Si cela démontre quelque chose, c’est que Shakespeare était capable de composer une devise, et l’on ne voit pas très bien tout d’abord quel argument M. Demblon peut tirer de là. Cette mention n’est pourtant rien de moins à ses yeux que le « fiat lux de la Genèse », voici comment : pour lui, si le frère de Rutland a chargé Shakespeare de ce travail, c’est que celui-ci était tout désigné pour cela par l’emploi qu’il avait eu auprès de Roger Manners ; il était naturel que le nouveau lord Rutland s’adressât pour ce « service semi-professionnel » à l’homme de paille de son frère. M. Demblon a beaucoup d’imagination.

Il en faut aux savants, et M. Abel Lefranc, profes-