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l’affaire shakespeare.

il n’y fut pas chasseur à la porte d’un théâtre, comme se le figure M. Fontainas, car les taxis n’étaient pas encore inventés et les coches même étaient si rares qu’on n’avait apparemment que bien rarement l’occasion de les « appeler» ; si son testament ne parle pas d’art et de poésie, c’est que les notaires de ce temps recevaient au moins aussi rarement que ceux d’aujourd’hui des testaments en vers ; mais, s’il ne parle pas de livres, cela ne peut s’expliquer que par une raison : c’est que Shakespeare n’en possédait pas, attendu que les livres étaient alors infiniment précieux et mentionnés toujours dans les testaments.

Ce court spécimen de la manière de M. Fontainas suffit, il me semble, à faire sentir combien il serait inutile de pousser plus loin l’examen de son article. Et, puisque sa conception de la critique historique paraît ainsi sujette à caution, il s’ensuit que le jugement qu’il porte sur celle-ci ne l’est pas moins. Mais, encore une fois, cet article du Mercure de France est intéressant parce qu’il illustre un lieu commun fort goûté dans certains milieux où la culture en général, et particulièrement les philologues, ont mauvaise presse, comme on dit : c’est que la critique érudite est une chose ridicule dont on ne saurait parler qu’avec un dédain indulgent.

Pourtant, si nous avons aujourd’hui, des pièces shakespeariennes, un texte assez correct, convenablement ponctué et dont la plupart des obscurités ont été éclaircies et des difficultés commentées, un texte lisible en un mot, c’est au travail assidu des philologues et des érudits qu’on le doit. Grâce à ces bons