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RÉPONSE À DES OBJECTIONS.

jardiniers, le rosier de Shakespeare s’épanouit admirablement pour nous. Et, n’auraient-elles point d’autre mérite, les controverses au sujet du véritable auteur de l’immortel théâtre auraient au moins celui d’avoir suscité une foule de travaux dont nous bénéficions : pour répondre aux partisans de Bacon ou de Rutland, on a mieux lu, examiné de plus près, mieux compris, mieux goûté que jamais les pièces shakespeariennes. Si bien que je me reproche d’avoir dit tout à l’heure que le nom de l’auteur était un problème amusant, mais sans grande importance ; ce ton légèrement ironique, qui est celui de M. Fontainas, me semble le modèle même de la fausse élégance. Il ne saurait être indifférent, en effet, à qui aime passionnément Hamlet (à moins qu’il ne manque absolument d’imagination), de savoir que, dans certaines circonstances de sa vie, l’auteur a pu éprouver lui-même ce que ressent son trouble héros, ni même de connaître de quelle anecdote « vécue » il a tiré sa pièce et de mesurer mieux ainsi la grandeur de son génie. Il est naturel de chercher à bien connaître ce que l’on aime, et le savant qui découvre du nouveau sur une de nos œuvres préférées fait beaucoup pour notre bonheur. On est très ingrat pour les érudits. N’est-ce pas grâce à eux que le laurier peut couronner aujourd’hui les ruines du mont Palatin et les rosiers fleurir le jardin de la maison des Vestales ? N’êtes-vous pas heureux de connaître le canevas sur lequel maître François, devenu le premier de nos romanciers réalistes, a brodé son Gargantua et son Pantagruel ? Est-ce peu de chose que de mieux sentir par