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L’AFFAIRE SHAKESPEARE.

vous les jugez mal établis. Mais, vraiment, ne croyez pas les réfuter en bloc par un acte de foi, car croire en Shakespeare ne nous est pas commandé par l’Église.

M. Lefranc a écrit que « sur toute la formation de Shakespeare » et sur sa vie de comédien nous ne savons rien ou peu s’en faut ; que sa « vie morale et intellectuelle nous échappe totalement », et d’autres choses de ce genre ; et pourtant il dit ailleurs que l’œuvre shakespearienne « ne concorde pas avec la personnalité ni avec le caractère de Shakespeare tels que les données biographiques permettent de les concevoir ». Quelles contradictions ! s’écrie André Beaunier. — En effet, la plaidoirie n’est point parfaite, j’en tombe d’accord ; mais ce n’est point la plaidoirie qui m’intéresse, c’est la thèse qu’elle soutient ; et est-ce que l’on ne comprend point par le contexte ce qu’il veut dire, ce M. Lefranc ?

À un endroit, il veut faire ressortir que nous n’avons aucun renseignement contemporain sur le caractère, les mœurs, la conversation, l’aspect physique, bref la personnalité de celui qui a signé ce théâtre admirable. C’est un fait surprenant : ce comédien-auteur, d’une intelligence, d’une imagination, d’une verve éblouissantes, capable d’écrire au courant de la plume trente-sept chefs-d’œuvre en vingt ans, et qui, en même temps qu’il fut ce poète, fut un acteur, un directeur et un remarquable homme d’affaires, il était si peu intéressant, si terne, que, bien qu’il fût très connu, ses contemporains n’ont pas pris à lui le moindre intérêt. Car il y a bien quelques louanges de son style, telles qu’un écrivain peut en