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RÉPONSE À DES OBJECTIONS.

que sais-je ? Et tout cela est vague — malveillant, mais vague. Il n’y a pas de pire danger pour l’historien que le vague et la malveillance. Ne nous y laissons pas entraîner : contentons-nous d’examiner ce qui, dans les dires de Mme  de Chambrun, l’est moins.

Voici. D’abord M. Lefranc « consacre la première partie de son livre à la négation pure et simple du génie ». Parfaitement. Et pourquoi ? Parce qu’il trouve étonnant qu’un « valet d’acteurs », ou en tout cas (car ce n’est là qu’une « tradition ») un pauvre hère gagnant sa vie à de très humbles besognes, mais qui nécessairement lui prenaient du temps, ait pu en trois ou cinq ans apprendre tout ce qu’il fallait savoir pour composer les premières pièces de Shakespeare ! Il eût été étudiant, disposant d’abondants loisirs, que ce serait déjà peu croyable. Il paraît que c’est nier le génie que de dire cela.

Voyez pourtant à quelles hypothèses aventureuses on est réduit pour expliquer que Shakespeare ait marqué dès ses débuts tant de connaissances variées. Génial, mais débarquant de son village, il paraît subitement latiniste. — Rien d’étonnant, explique Mme  de Chambrun : ne le trouvons-nous pas lié (quelques années plus tard) avec le lettré lord Southampton ? — Il connaît la littérature italienne, la littérature espagnole et (non pas mal, mais bien) le français. — Rien d’étonnant : ne le voyons-nous pas en rapport (mais plus tard aussi) avec Florio ? — Il est parfaitement au courant des intrigues amoureuses, des petites histoires de la cour du roi Henri et de la reine Margot à Nérac. — Rien d’étonnant : ne con-