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L’AFFAIRE SHAKESPEARE.

naissait-il pas lord Southampton, lequel connaissait Essex, lequel avait peut-être rencontré à Noyon (bien après la composition de Peines Famour perdues) le maréchal Biron, lequel ne pouvait manquer de se souvenir des petits événements qui s’étaient passés à la cour de Navarre quinze à vingt ans plus tôt ?… Mais j’y songe : c’est bien, sauf erreur, M. Abel Lefranc qui a découvert que Peines d’amour perdues était une pièce pleine d’allusions à la cour de Nérac ; alors il n’a pas recueilli tous ses arguments dans les ouvrages de ses prédécesseurs, ce professeur, décidément ?

Au fond, il faut une étonnante ingéniosité pour expliquer comment Shakespeare peut être l’auteur du théâtre. Mais faut-il donc également si peu de critique ? À part Mme  de Chambrun, aucun historien ne saurait ignorer avec décence, à cette heure, que les signatures de Shakespeare sur l’Ovide de Bodleian, le Montaigne du British Museum et le Plutarque de Greenwich sont fausses. Si elle veut s’en convaincre, qu’elle parcoure seulement l’étude de Sir E. M.  Thompson dans Shakespeare’s England ; c’est un ouvrage de vulgarisation fort accessible.

On ne peut pas tout savoir. Pourtant, il ne faut pas traduire « common players » par « troupe ambulante ». M. Lefranc a traduit « common players » par « acteurs professionnels ». Il aurait mieux fait de dire : « Acteurs publics. » Mais, au fond, c’est la même chose. Et il ne faut pas, à cause de cela, accuser cet infortuné professeur d’une noirceur diabolique comme celle de « sembler ignorer » pour la commo-