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RÉPONSE À DES OBJECTIONS.

même quelques personnes ont su quelque chose du mystère, pourquoi voulez-vous absolument qu’elles l’aient publié ? Encore une fois, qu’un grand seigneur se divertît à écrire sous le nom d’un acteur des pièces qu’on jugeait sans grande importance, cela ne dut point paraître alors si étonnant que cela nous le semble à nous, qui trouvons ces pièces sublimes. Et, quand vous admettez qu’un homme comme celui qui, selon vous, les a écrites, un homme doué de cette imagination ailée, de cette poésie, de cette facilité, de ce génie verbal et ensemble de cette « intelligence pratique », a pu passer sa vie dans un milieu d’intellectuels et d’écrivains professionnels sans susciter la moindre curiosité, sans donner à un seul d’entre eux l’idée de parler de lui, de le décrire (sauf à Ben Jonson, et bien vaguement, et vingt ans après sa mort), non, vous ne devez pas trouver extraordinaire qu’il ne nous soit parvenu aucune allusion au secret de William Stanley ; le premier cas n’est pas plus surprenant que le second.

L’acteur Shakespeare ne fut pas illettré. J’admets volontiers qu’il a eu une certaine part de collaboration aux pièces ; certaines étaient injouables et paraissent avoir été remaniées : s’il a « mis au point » l’œuvre d’un amateur, est-ce que cela ne se fait pas couramment de nos jours ? Mais il n’a pas pu les écrire : tout y révèle une autre main. Et de très sérieux indices donnent à penser que cette main fut celle de William Stanley.