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L’AFFAIRE SHAKESPEARE.

au moins de signer de pseudonymes. Combien de seigneurs — comme lord Oxford, le propre beau-frère de William Stanley, qui fut un dramaturge excellent et dont pas une ligne ne nous est connue — ont inscrit, selon l’expression de Greene (qui fut familier des Derby), le nom « d’un autre Batillus » en tête de leurs vers !… Qui sait maintenant si le comte d’Oxford n’était pas un homme de génie ? Encore un coup, personne, à cette époque, ne considérait comme un écrivain admirable l’auteur du Songe et d’Hamlet.

Lorsque Shakespeare abandonna sa bourgade natale, ce fut, dit-on, pour suivre la troupe du comte de Leicester, qui, en quittant Stratford, s’en fut directement chez les Derby, à Lathom House. Là, ces comédiens plurent, puisque, leur protecteur étant mort sur ces entrefaites, ils furent adoptés par le frère aîné de William Stanley. Et ainsi ce dernier fit la connaissance du jeune Shakespeare. Que se passa-t-il entre eux ? On ne le saura jamais. Peut-être le lord eut-il l’idée de mettre par jeu sous le nom du jeune villageois, naïvement passionné de théâtre, quelque pièce de lui. Et alors on imagine… Non, ne m’apprenez pas qu’il y aurait à écrire sur ce thème une nouvelle dans le goût du Capitaine Fracasse : je le sais.

Les contemporains n’ont fait aucune allusion à cette situation peu ordinaire. — Et s’ils l’ignoraient ? — Mais, réplique M. André Beaunier, l’ignoraient-ils, décidément, ou non ? Vous n’êtes pas fort net sur ce point. — Et comment l’être ? Nous sommes ici dans le domaine des pures hypothèses. On peut croire que le secret a été plus ou moins bien gardé… Et, si