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LE SIÈGE PÉRILLEUX

qu’il eût sa part à la grâce du Graal en s’asseyant à table. Alors Joseph se prosterna devant le saint vase et pria Jésus-Christ Notre Sauveur. Après quoi il dit :

« — Si Moïse est tel qu’il paraît, qu’il vienne : nul ne lui peut ôter la grâce. S’il est autrement, qu’il garde d’approcher. Car, lorsqu’un trompeur veut duper autrui, n’est-il pas réjouissant que le trompé dupe le trompeur ? »

« Mais Moïse répondit qu’il ne redoutait rien, et quand tous furent autour de la table, comme toutes les places étaient prises, il vint hardiment s’asseoir au siège périlleux. Aussitôt la terre s’ouvrit et l’engloutit comme traître ; puis elle se referma si étroitement qu’il ne parut plus qu’elle se fût écartée.

« Ainsi ceux qui étaient de bonne vie vécurent du Saint Graal, mais les autres se nourrissaient comme ils pouvaient. Un jour, la compagnie entra dans une contrée déserte et gâtée où ils ne purent rien découvrir à manger. Josephé dit à son plus jeune frère, Alain le Gros, d’aller pêcher dans un étang proche. L’enfant jeta le filet et ne prit qu’un seul poisson. Pourtant Josephé ne voulut pas qu’il recommençât : il s’agenouilla devant le Graal et y demeura longtemps en prières et oraisons. Alors Notre Sire fit un grand miracle, car le poisson foisonna de manière que tous ceux qui avaient