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MERLIN L’ENCHANTEUR

Le jour se levait, radieux. Dans l’herbe non fauchée, les chevaux entraient jusqu’au ventre ; les oiseaux chantaient matines dans les arbrisseaux et réjouissaient le cœur des amoureux. Les enseignes d’or, d’argent et de soie voletaient à la brise légère et le soleil faisait flamboyer l’acier des heaumes et des lances, et luire les peintures des écus. Merlin allait en tête de l’armée sur un grand cheval de chasse. Lorsqu’il aperçut les Saines qui s’avançaient à la rencontre des chrétiens, il cria de toutes ses forces :

— Ores paraîtra qui preux sera ! Seigneurs chevaliers, l’heure est venue que l’on verra vos prouesses !

Aussitôt les barons lâchèrent le frein et brochèrent des éperons ; et ainsi commença la fière et merveilleuse bataille.

Le froissement des lances, le heurt des écus, le martèlement des masses et des épées s’entendit jusqu’à la mer. Bientôt l’air fut rouge et troublé par la poussière, au point que les cieux noircirent et que le soleil perdit sa clarté. Quand les chevaliers et les bourgeois qui défendaient la cité de Clarence aperçurent les enseignes blanches à croix vermeille, ils pensèrent que c’était un secours que Notre Sire leur envoyait : aussitôt ils sortirent et commencèrent de faire merveilles d’armes.

Sur l’autre front des Saines, à mesure que l’heure de midi approchait, la force de Gauvain