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MERLIN L’ENCHANTEUR

firent aussi belle chère et beau semblant que s’ils eussent vécu depuis vingt ans ensemble, et qu’ils n’eurent aucune honte ni émoi : ainsi Merlin l’avait ordonné. Ils furent de la sorte jusqu’au jour ; et, quand le matin parut, le roi Ban ôta de son doigt un bel anneau d’or, orné d’un saphir où étaient gravés deux serpenteaux :

— Belle, dit-il, vous garderez cet anneau et mon amour.

Mais elle prit la bague sans répondre.

Lorsque Merlin sut qu’elle était revenue à son lit, il défit son enchantement et chacun s’éveilla. Les sergents et les écuyers préparèrent les armes, sellèrent les chevaux, troussèrent les coffres et les malles. Puis les deux rois prirent congé. Comme la fille d’Agravadain baissait tristement la tête :

— Demoiselle, lui dit le roi Ban en lui serrant la main, il m’en coûte de partir, mais où que je sois je demeurerai votre chevalier et votre ami.

Elle murmura en soupirant :

— Sire, si je suis grosse, Dieu m’en donne plus grande joie que je n’en eus de vous, car jamais si tôt amours ne s’éloignèrent. Mais puisqu’il vous faut partir, je me réconforterai du mieux que je pourrai, et, si je vois mon enfant, il me sera miroir et souvenance de vous.

La-dessus, elle remonta dans sa chambre avec ses pucelles. Et les deux rois recommandèrent leurs hôtes à Dieu.