harper d’une façon aussi exquise : le roi en était émerveillé. À la fin le musicien lui dit :
— Sire, je vous demande le prix de mon chant.
— Vous l’aurez, ami, si c’est chose que je puisse donner, sauf mon honneur et mon royaume.
— Sire, je vous demande de porter votre enseigne à la première bataille où vous serez.
— Beau doux ami, Notre Sire vous a mis en sa prison : vous êtes aveugle ; comment pourriez-vous nous mener à la bataille ?
— Ha, sire, le chevalier Jésus, qui est le vrai guide et qui m’a tiré de maints périls, saura bien me conduire !
En l’entendant si bien répliquer, le roi pensa que c’était là Merlin, et il allait répondre qu’il octroyait la demande, lorsqu’il s’aperçut que le beau harpeur avait disparu. Et l’on vit à sa place un petit enfant de huit ans, les cheveux tout ébouriffés et les jambes nues, portant une massue sur l’épaule, qui dit au roi qu’il réclamait de porter son enseigne à la guerre contre le roi Rion. Sur quoi, tout le monde se prit à rire, et Merlin revint à sa forme naturelle. Il aimait de se déguiser ainsi pour divertir et réjouir les chevaliers.