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PROUESSE DU NAIN

en prit, car le nain le heurta si rudement qu’il le jetta à bas de son cheval en lui démettant l’épaule ; après quoi il fit passer et repasser son destrier sur lui, de façon que le chevalier, tout froissé, se pâma de douleur. Enfin le minuscule champion pria la demoiselle de le mettre à terre, ce qu’elle fit en le prenant dans ses beaux bras comme un enfant, et il courut au blessé, dont il délaça le heaume en le menaçant de lui couper le cou s’il ne s’avouait vaincu.

— Merci ! cria le blessé.

— Iras-tu te rendre prisonnier au roi Artus et lui dire de par moi que le petit chevalier qu’il adouba t’envoie à lui ?

Le chevalier le jura. Alors le nain requit la demoiselle de le hisser sur son destrier, ce qu’elle fit à grand-peine en se penchant sur le cou de sa mule ; puis tous deux furent avertir les écuyers du blessé, et ils continuèrent leur route vers Estrangore.

C’est ainsi que le roi Artus et la reine Guenièvre virent arriver quelques jours plus tard à Carduel en Galles, couché dans une belle litière que portaient deux palefrois amblants, un chevalier navré.

— Sire, dit celui-ci, je viens me mettre en ta merci, plein de honte et de vergogne, pour acquitter ma foi que j’ai engagée à la plus ridicule créature du monde, qui m’a vaincu par ses armes.