Page:Boulenger - Romans de la table ronde I.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
181
DISCOURTOISIE DE GAUVAIN

— Allez, beau doux ami, fit le roi, et que Dieu vous conduise !

À présent le conte retourne à monseigneur Gauvain.


LIII


S’étant séparé de ses compagnons, il erra longtemps par la terre de Logres. Un jour qu’il chevauchait dans une forêt, pensif et songeant tristement qu’il n’avait nouvelles de Merlin, il croisa une demoiselle montée sur le plus beau palefroi du monde, noir, harnaché d’une selle d’ivoire aux étriers dorés, dont la housse écarlate battait à terre, et dont le frein était d’or et les reines d’orfroi. Elle-même était vêtue de samit blanc et, pour éviter le hâle, elle avait la tête voilée de lin et de soie. Gauvain, perdu dans sa rêverie, ne la vit pas. Alors, après l’avoir dépassé, elle fit tourner son palefroi et lui dit :

— Gauvain, on assure que tu es le meilleur chevalier du monde, et c’est vrai ; mais on ajoute que tu en es le plus courtois, et ici cloche la renommée, car tu en es le plus vilain. Tu me rencontres seule en cette forêt, loin de tous, et tu n’as pas même la douceur et l’humilité de me saluer et me parler !