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LE DIABLE ET LA PUCELLE

nous serions plus aises que vous avec tout l’or du monde. Elle est à plaindre, la femme qui n’a commerce d’homme !

Quand la nuit fut venue et qu’elle fut se coucher, la pucelle regarda son beau corps et elle pensa que la vieille avait peut-être raison. Mais le lendemain elle conta tout au prud’homme, qui lui montra que l’Ennemi était autour d’elle. « Garde-toi surtout de te mettre en colère et de te désespérer, lui dit-il ; fais le signe de la croix en te levant et en te couchant, et prends garde d’avoir toujours de la lumière, la nuit, dans la chambre où tu dors, car le diable ne vient pas volontiers où il y a de la clarté. » Et quand l’Ennemi sut les avis que le prud’homme donnait à la pucelle, il eut grand’peur de la perdre et il songea comment il pourrait la gagner.

Elle avait une sœur cadette qui vivait mal et qui s’abandonnait à tous les hommes. Un samedi soir, la pucelle vit entrer cette fille dans son logis avec une troupe de garçons : elle se mit en colère et la voulut jeter à la porte, mais la cadette lui répondit qu’on voyait bien que son prud’homme l’aimait de fol amour, et qu’au reste la maison était à la plus jeune autant qu’à l’aînée, et qu’elle n’en sortirait pas. Ce qu’entendant, la pucelle prit sa sœur par les épaules pour la pousser dehors, mais les garçons la battirent cruellement. Quand elle put leur