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MERLIN L’ENCHANTEUR

Mais la demoiselle ne répondit mot. Et quand elle vit la reine approcher, elle se leva, l’enfant dans les bras, s’avança au bord du lac, et, les pieds joints, s’élança sous les eaux.

À cette vue, la mère tomba pâmée, et quand elle reprit ses sens et qu’elle ne trouva plus son fils ni la demoiselle, peu s’en fallut qu’elle ne désespérât : elle voulut se jeter dans le lac, et assurément elle l’eût fait si les valets ne l’eussent retenue. Une abbesse qui passait non loin de là avec deux de ses nonnes, son chapelain, un frère convers et deux écuyers, entendit le grand deuil que menait la reine et, tout émue de pitié, elle accourut vers le lieu d’où partaient ces déchirantes plaintes :

— Ha, dame, dit-elle, Dieu vous donne joie ! Mais, ajouta-t-elle en s’approchant, n’êtes-vous pas madame la reine ?

— Je suis la reine aux grandes douleurs ! répondit la mère.

Et elle conta ses malheurs : comment son seigneur était mort sur la colline en voyant l’incendie de Trèbe, et comment son fils, qui était la rose de tous les enfants du monde, avait été emporté par un diable sous la semblance d’une demoiselle.

— Par Dieu et sur votre âme, dit-elle en terminant, je vous requiers de me recevoir pour nonne, car je n’ai plus rien à faire dans le siècle ; et si vous refusez, je m’en irai, comme chétive