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MERLIN L’ENCHANTEUR

gens de Gannes et de Benoïc qui ne l’aimaient guère, et il pensait que, s’il arrivait malheur à Claudas après qu’il l’aurait pris sous sa garde, il en serait déshonoré à jamais. Aussi voulut-il consulter les barons avant de s’engager, et il fut sur la place leur soumettre le cas. Il faisait nuit, mais on avait allumé tant de torches et de lanternes qu’on y voyait comme en plein jour.

— Comment, bel oncle, s’écria Lambègue après que Pharien eut parlé, vous voulez prendre sous votre garde le traître qui a tué nos seigneurs liges et qui jadis vous a tant méfait à vous-même ? Si le peuple savait ce que je sais, vous ne seriez certes pas écouté !

— Beau neveu, que tu aies si peu de raison, je n’en suis pas surpris : grand sens et grande prouesse ne font pas bon ménage, à l’âge que tu as. Toutefois, afin que tu voies un peu plus clair au miroir de sagesse, je t’enseignerai ceci : à la bataille, n’attends personne et pique des éperons le premier pour accomplir, si tu peux, un beau coup ; mais au conseil, tant que tu seras jeune, garde de faire entendre tes avis avant que tes anciens aient parlé ; ces prud’hommes qui m’entourent savent mieux que toi où est raison. Je ne vois parmi eux nul baron qui n’ait rendu à Claudas, de bon gré ou de force, foi et hommage à mains jointes, et qui ne doive par conséquent garder le corps du roi et en défendre la vie comme la sienne propre. Car