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MERLIN L’ENCHANTEUR

— Image fausse, décevante créature, piquante comme alène, par quoi les hommes sont tués et affolés, rasoir plus tranchant et affilé que nulle arme, fontaine que rien n’épuise, tais-toi : je ne parlerai qu’en présence de l’empereur.

Enfin le sénéchal et l’homme sauvage comparurent devant Julius César, et celui-ci se préoccupa des moyens de faire bien et sûrement garder son prisonnier.

— Il n’est besoin de m’enchaîner, dit l’homme sauvage ; je jure que je ne m’en irai point sans congé. Mandez vos barons en conseil : devant eux j’expliquerai tout ce que vous voudrez.

Quatre jours plus tard, les barons assemblés, l’empereur fit asseoir l’homme sauvage à côté de lui. Mais celui-ci déclara qu’il ne dirait rien qu’en présence de l’emperière et de ses douze pucelles. À la vue de celles-ci, pourtant, il se mit à rire, puis il se tourna vers Grisandole et rit encore, puis vers l’empereur, puis vers sa femme, puis vers les barons, en riant toujours, aux éclats, et de plus en plus fort. À la fin, Julius César lui demanda s’il était fol.

— Sire, sire, répondit-il, si vous me jurez devant tous qu’il ne me sera fait nul mal et que je serai libre de me retirer quand j’aurai parlé, je vous dirai tout.

L’empereur le lui ayant promis sur sa foi, il reprit :

— Sire, la grande truie que vous vîtes en