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MERLIN L’ENCHANTEUR

flambait dans la cheminée. Et, en le voyant, elle se mit à soupirer.

— Dame, qu’avez-vous ? demanda le valet.

— Las ! beau doux fils, je vous vois, vous et vos frères, user le temps en folies, quand vous pourriez être déjà chevaliers à la cour du roi Artus, votre oncle. Les barons, qui devraient le servir et l’aimer, ne veulent par orgueil le reconnaître pour leur seigneur, et il paraît bien que cela ne plaît à Dieu, car ils y ont jusqu’ici plus perdu que gagné, et voilà maintenant les Saines en ce pays. Je vous le dis : vous êtes bien à blâmer de rester ici à faire courre des lévriers au lieu de chercher à mettre en paix votre père et votre oncle !

Ainsi parlait la dame parce qu’elle gardait en son cœur un tendre souvenir du valet devenu roi.

— Dame, dit Gauvain, par la foi que je vous dois, je n’aurai l’épée ceinte au côté ni le heaume lacé en tête, devant que le roi Artus m’ait fait chevalier !

À ce moment entraient ses trois frères, et quand ils surent pourquoi leur mère pleurait :

— Certes, Gauvinet, dit Agravain, vous êtes plus à blâmer que tout autre, car vous êtes notre aîné, et vous auriez dû nous mener déjà au roi Artus. Ici, nous ne faisons que nous amuser, et peut-être serons-nous pris comme oiseaux au piège, car les Saines ne sont pas loin.