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Page:Boulenger - Romans de la table ronde I.djvu/85

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BATAILLE DE CAROHAISE

— Ah ! sire, s’écria Bohor, si mon frère était tué, de ma vie je ne connaîtrais plus la joie !

— Suivez-moi, dit Merlin.

Et le dragon qu’il tenait à la main se mit à jeter par la gueule des brandons de feu, si bien que tout l’air en devint vermeil et que les bannières des ennemis s’enflammèrent. Derrière lui, à travers la mêlée, les Bretons avançaient comme une vaste nef, laissant dans son sillage une double rangée de chevaliers tombés et de destriers fuyants, les rênes traînant entre leurs pieds. Enfin ils parvinrent au roi Ban et aux siens qui, à pied, leurs heaumes décerclés leur tombant sur les yeux, leurs écus brisés, leurs hauberts rompus et démaillés, se défendaient encore derrière un monceau de chevaux tués, et, tenant et deux poings leurs épées, frappaient furieusement ceux qui tentaient de les approcher. Quand il voit son frère en cet état, le roi Bohor s’appuie sur ses deux étriers si rudement, que le fer en plie, il broche des éperons, il vole sur les gens de Claudas, bruissant comme un alérion, il les heurte d’un tel élan que leurs rangs en tremblent ; de son épée toute souillée de sang et de cervelle, il tranche au premier qu’il rencontre la tête près de l’oreille, l’épaule gauche, tout le corps jusqu’à la ceinture ; au second il découvre le foie et le poumon. Et Artus et ses compagnons l’imitent, si bien que Ban, Bretel et Ulfin, dégagés, rajustent leurs heaumes, s’arment de