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LE CHEVALIER QUI PLEURE ET RIT

à longs traits. Comme il se relevait, il aperçoit l’écu, et tout soudain fond en larmes. Mais bientôt il arrête de pleurer, et se reprend à rire aux éclats et à mener la plus grande joie du monde. À nouveau, il repart à gémir ; puis à rire ; et ainsi de suite sept ou huit fois.

— En nom Dieu, s’écria Keu, si ce n’est là un fol, c’est qu’il n’en est plus en ce monde. Tantôt il pleure, tantôt il rit ! J’irai lui demander pourquoi.

Mais Sagremor courut à la tête de son cheval.

— Par mon chef, vous n’irez point ! Vous savez bien que les reconnaissances me reviennent de droit. C’est pour cela que madame m’a surnommé le desréé.

En effet, la reine l’avait un jour appelé ainsi parce qu’il était toujours le premier à se détacher, à quitter les rangs et à courir à l’ennemi. À lui toujours la première lance ; à lui de combattre à l’extrême pointe, en enfant perdu. Donc, il piqua des deux vers le chevalier inconnu, mais il n’obtint d’autre réponse à sa question qu’un regard de travers et ces mots :

— Beau sire, laissez-moi en paix ; je n’ai cure de votre compagnie.

— Par Dieu, répliqua Sagremor, il vous faudra donc me répondre de force !

Là-dessus, l’inconnu de lacer son heaume et de changer son écu blanc au quartier de sable pour celui qui était suspendu à la branche, le