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GALEHAUT SIRE DES ÎLES LOINTAINES

tout en pleurant et lamentant à croire qu’il allait rendre l’ame ; puis il prend une des lances appuyées à l’arbre et, tout riant, laisse courre à Sagremor. Du premier coup, il le fait voler à terre ; après quoi il attrape son cheval, le débride, le chasse dans la foret à coups de bois de lance, et se reprend à gémir de toutes ses forces.

À son tour, Keu s’adresse au chevalier qui pleure et rit, et se voit traité tout de même ; puis Giflet, puis messire Yvain ; et messire Gauvain allait jouter, lui cinquième, lorsqu’il vit sortir du bois un gros nain, tout bossu, monté sur un palefroi à selle dorée et portant sur l’épaule un bâton de chêne fraîchement coupé. L’affreux petit homme pique vers le pin, et arrivé à côté du chevalier qui pleure et rit, il se dresse sur ses étriers et commence de le battre à grands coups de sa gaule ; enfin, las de le frapper, il saisit son destrier par le frein, et l’emmène sans que le battu ait fait seulement mine de résister.

À voir cela, messire Gauvain et les quatre compagnons démontés étaient stupéfaits au point qu’ils semblaient hors de sens.

— Par ma foi, dit enfin messire Gauvain, c’est là une des plus grandes merveilles que j’aie jamais connues ! À tout prix, il faut que je sache quel est ce chevalier, et pourquoi il a tant pleuré et tant ri, et pourquoi le nain l’a battu.